L'automne est bien là qui demande aux hommes de trouver la force d'attendre. Les arbres s'endorment pour quelques mois, végètent déjà. Un docteur leur a donné du repos, comme on donne un arrêt de travail. Car ils avaient besoin de se remettre. Un docteur universel, Dieu sans aucun doute, qui ferait bien de donner congé aux hommes aussi. S'éclipser, hiberner peut-être. Pouvoir se retirer du monde ces quelques mois d'hiver où rien ne pousse,  pas même les envies des hommes, le courage de vivre. L'automne nous dépouille de tout, de notre optimisme comme de nos certitudes, qui tombent les unes après les autres, comme feuilles de platane, nous laissant nus, abandonnés de nous, livrés aux pluies incessantes, aux gelures. Le soleil sur nous peine à se lever chaque matin, pour s'effondrer dès le milieu de l'après-midi. Les ténèbres de Dieu nous guettent au coin de chaque jour, et notre lumière intérieure faiblit de façon inversement proportionnelle.

L'automne préside à l'hiver et se taille la part du lion. Il est le crépuscule de l'été, le coucher de soleil éblouissant de l'été, l'hiver n'étant que l'achèvement dans le désastre de ce couronnement. Octobre et novembre nous poussent à bout. Aux confins de nos ressources intérieures, comme pour tester notre foi ébranler nos certitudes, et mettre à la lumière pâle de ces mois fanés ce qui n'était que fanfaronnades…

L'automne élague tout en nous et surtout ce qui n'était pas vraiment « nous », tout ce qui n'était pas vraiment « Soi », le superflu, l'imaginé, l'aveuglement. Décembre nous laisse petit garçon ou petite fille, comme perdus, nostalgiques des Noëls heureux de notre enfance. Nous voilà revenus à notre racine, et finalement revenus de tout. Le jardinier-docteur finit la taille des branches prétentieuses que nous déployions au grand jour il y a peu encore, et nous voilà presque rien. Nous voilà livrés nus à l'hiver, redevenus comme vierges et pourtant désespérés, pour que le long travail de régénérescence se fasse. Reconstruire. Laisser ses branches mortes ou pourries pour mieux repartir, plus tard, quand il sera l'heure du printemps dans nos vies…


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Pierre Juste, "Le bois joli"
oeuvre déposée
http://pierre.juste.free.fr